Au moins 195 entreprises technologiques belges veulent se lancer dans les activités de défense
Le manque de contacts avec la Défense, le financement et les questions autour des licences d’exportation sont les principaux obstacles
Après une première étude cartographiant le secteur belge de la défense et de la sécurité, la fédération technologique Agoria et la Belgian Security & Defense Industry (Agoria-BSDI) continuent de suivre de près l’évolution du paysage des technologies de défense en Belgique. Quelle est l’ampleur de l’intérêt des entreprises technologiques ? Quels besoins des forces armées belges et européennes ces entreprises pourraient-elles combler ? Et où se situent les freins à la réalisation de leur potentiel ?
Pour le savoir, nous avons interrogé, en avril et mai 2025, des entreprises technologiques belges à propos de leur implication (ou de leur intérêt) dans les activités de défense. Sur les 414 réponses recueillies, un peu moins de la moitié (47,1 %) des entreprises sondées ne sont pas encore actives dans l’industrie de la défense, mais souhaitent le devenir.
“Le potentiel est énorme et l’industrie technologique est prête à renforcer notre autonomie stratégique. Mais de nombreux obstacles subsistent, comme le manque de concertation, l’accès au financement et des règles d’exportation complexes. Ce sont ceux qui sont le plus souvent cités par les entreprises.,” explique Bart Steukers, CEO d’Agoria.
Parmi les 195 entreprises qui ne sont pas encore actives dans la défense mais veulent le devenir, 75,4 % ont des activités en Flandre, 28,2 % en Wallonie et 10,8 % à Bruxelles.
« Nous observons un intérêt très marqué pour l'industrie de la défense tant en Flandre, où celle-ci est principalement composée de petites entreprises, qu'en Wallonie, le cœur historique du secteur, » ajoute Bart Steukers.
Un tiers (32,8 %) des entreprises intéressées par la défense visent à générer plus de 10 % de leur chiffre d’affaires dans ce secteur d’ici cinq ans. Près de 10 % estiment même pouvoir atteindre plus de 20 % à cet horizon.
Activités principales : production et R&D dominent
Sans surprise, près de trois quarts des entreprises technologiques qui veulent se lancer dans la défense souhaitent produire des systèmes, des composants et des logiciels. 43 % veulent développer et rechercher de nouvelles technologies, ce qui correspond logiquement à leurs activités actuelles.
Voici un aperçu des produits et services que ces entreprises souhaitent développer :
- 72 % : production de systèmes, composants et logiciels
- 43 % : recherche et développement de nouvelles technologies
- 35 % : intégration de systèmes pour offrir des solutions globales
- 29 % : soutien opérationnel et logistique aux acteurs de la défense
- 9 % : distribution, vente et certification de produits de défense
Il est frappant de constater qu'elles se voient presque sans exception (96 %) jouer un rôle dans les produits à double usage, avec des applications tant civiles que militaires.
Si l'on examine de plus près le type de produits et de services que les entreprises souhaitent développer, voici le top 10 :
- Matériaux et composants pour la défense : 36,9 %
- Recherche et développement, conseil et ingénierie : 30,3 %
- Cybersécurité, intelligence artificielle et technologies numériques : 28,7 %
- Systèmes électroniques, capteurs et communication : 26,7 %
- Plateformes et systèmes de défense : 22,6 %
- Services logistiques et soutien militaire : 20,0 %
- Énergie et environnement pour la défense : 9,2 %
- Armement, munitions et protection balistique : 7,7 %
- Équipements et textiles de protection : 6,2 %
- Laboratoires d'essai et certifications : 5,1 %
Tous les secteurs de la technologie représentés
Les entreprises concernées couvrent une grande diversité de domaines : travail du métal, soudure, production de pièces métalliques et composites, technologies de communication, logistique, services, infrastructure IT, fournisseurs de logiciels et de matériel, etc.
En ce qui concerne leur position dans la chaîne d’approvisionnement :
- 17 % envisagent pour eux-mêmes un rôle futur en tant que « prime contractor », c'est-à-dire fournisseur principal direct des forces armées.
- 28 % se voient un cran plus bas dans la chaîne, en tant que sous-traitant de ce fournisseur principal.
- Le groupe le plus important (42 %) souhaite quant à lui fournir des composants ou des sous-systèmes.
- Enfin, 27 % se voient comme fournisseurs de composants ou de matériaux de base.
Obstacles : concertation, financement et exportation
- 62,6 % des répondants estiment que le secteur de la défense est complexe et demandent plus de concertation avec les autorités
- 25,1 % mentionnent l’accès au financement comme un obstacle
- 19,5 % souhaitent une aide à l’exportation
Enfin, l'absence de certifications joue également un rôle pour une partie des répondants. L'accès à des informations confidentielles dans le cadre d'appels d'offres pour, par exemple, des systèmes d'armement ou des technologies de communication nécessite différentes habilitations de sécurité. Or, seule une très faible minorité des répondants intéressés par les activités de défense possède ces habilitations de sécurité belges ou internationales. Agoria-BSDI organisera plusieurs sessions d'information à ce sujet au cours des prochains mois.
Bart Steukers conclut : « Notre enquête montre clairement qu'il existe un énorme potentiel pour développer un écosystème belge solide dans le domaine de la défense et de la sécurité avec les entreprises technologiques flamandes, wallonnes et bruxelloises. Mais il reste encore de nombreux obstacles à surmonter, et Agoria souhaite contribuer à les éliminer. Grâce à notre technologie de pointe belge, nous pouvons également occuper une place importante dans les chaînes internationales dans le domaine de la défense et ainsi renforcer l'autonomie stratégique non seulement de la Belgique, mais aussi de l'Europe et de l'ensemble de l'OTAN. »
Sarah Godard