Federal Learning Account : "Pas de win-win, mais un lose-lose"
La fédération des entreprises technologiques Agoria demande son abandon
À partir du 1er avril 2024, le "Federal Learning Account” (FLA) entrera en vigueur. Cette application digitale est censée aider les employeurs et les salariés dans l’enregistrement et la gestion de leurs formations. Cependant, elle n'est pas du tout adaptée aux besoins des salariés et des employeurs et entrave même les entreprises dans la poursuite de leur politique de formation et de compétences, estime la fédération des entreprises technologiques Agoria. De plus, il semble que l'outil ne soit même pas prêt à être utilisé, et ce à quelques jours de son lancement. Agoria demande donc au gouvernement fédéral de mettre un terme au FLA.
Les formations sont d'une importance capitale pour les entreprises. Dans l'économie belge de la connaissance, elles veillent à ce que les travailleurs mettent continuellement à jour leurs connaissances et leurs compétences et apprennent tout au long de leur vie. Cela les motive et renforce leur position au sein de l'entreprise et sur le marché du travail. Un personnel bien formé et compétent contribue à la compétitivité et à la croissance des entreprises. Une situation clairement 'win-win'.
Sous couvert de soutenir la politique de formation, le gouvernement fédéral, sous l'impulsion du ministre du Travail, a créé le "Federal Learning Account". Seulement, note Agoria, ce FLA manque totalement sa cible.
Bart Steukers, CEO d'Agoria, réagit : "Si le gouvernement veut soutenir la formation, il doit motiver les entreprises à développer davantage leur politique de formation et de compétences. Ce que le gouvernement ne doit surtout pas faire, c'est obliger les entreprises à investir du temps et des ressources dans la simple gestion administrative des formations. Aujourd'hui, la formation est bien gérée au sein des entreprises, en partie grâce au dialogue social entre les employeurs et les syndicats. Cela fonctionne bien, sans intervention supplémentaire du gouvernement. Nous voulons un peu plus de confiance".
Agoria identifie également de sérieux problèmes pratiques avec l'outil développé pour le FLA. Tout d'abord, il semble techniquement très compliqué pour une entreprise de charger des données de formation dans le FLA. Même pour celles qui parviennent à enregistrer correctement les données, le FLA crée une charge administrative lourde et continue. Les services des ressources humaines et les gestionnaires perdront beaucoup de temps à enregistrer les formations et à gérer les droits à la formation. Cette situation est également pernicieuse pour leurs collaborateurs, car le temps et l'énergie qui doivent être consacrés à cette administration ne peuvent pas être utilisés par les professionnels des ressources humaines et les gestionnaires pour des tâches essentielles, telles que le développement et la gestion d'un système de formation et d'information sur le marché du travail. Agoria craint que le FLA n'affecte principalement l'industrie manufacturière parce que la formation y est très souvent dispensée de manière informelle, par exemple par le biais d'une formation sur le tas et d'un accompagnement de terrain. L'apprentissage informel ne peut être contraint dans le carcan administratif étroit de la FLA.
Enfin, il semble que l'outil ne soit pas prêt à être utilisé. Depuis novembre 2023, il fait l'objet d'une phase de test à laquelle (seulement) quelque 170 entreprises s'étaient initialement inscrites. D'après les résultats, pas plus d'une soixantaine d'entreprises participantes sont parvenues à tester l'outil FLA et il s'est avéré qu'à peine quatre entreprises ont réussi à enregistrer des données. Un signal d'alarme ferme et clair : l'outil n'est pas prêt. La date de lancement reste néanmoins inchangée.
Bart Steukers : « C'est un exemple classique de ce qu'il ne faut pas faire : on impose à nos entreprises une obligation dont nous savons qu'elle ne fonctionne pas. Si nous entendons déjà de grandes entreprises, dotées de départements RH bien étoffés et expérimentés, dire qu'elles consacrent énormément de personnel, de temps et de ressources à se conformer aux obligations administratives de la FLA, qu'est-ce que cela impliquera pour nos PME ? La Belgique est un pays de PME et notre industrie technologique est composée à 70 % de PME. Voulons-nous vraiment les accabler avec une administration supplémentaire qui, non seulement ne les aide pas, mais leur nuit ? Nous devons nous demander si l'outil répond aux besoins de nos entreprises et de nos travailleurs. Malheureusement, la réponse est clairement négative. C'est une situation lose-lose : les entreprises ont plus de travail, les travailleurs ont moins de formation. »
"C'est pourquoi Agoria demande au gouvernement fédéral de ne pas mettre en place le Federal Learning Account. Le FLA n'est pas un soutien ou une incitation à la formation, c'est un obstacle. La formation est cruciale, elle ne peut pas devenir un frein supplémentaire", conclut Bart Steukers.
Sarah Godard